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  • Photo du rédacteurVincent Lequenne

Plaidoyer pour une protection sociale des indépendants solidaire en période de crise

Il aura été question de la situation économique des travailleurs indépendants durant la crise sanitaire du COVID-19. Car, si de l’avis général, les dispositifs de soutien mis en place par le gouvernement pour les entreprises et leurs salariés sont généreux (en tout cas en comparaison des pays occidentaux), la situation est bien différente pour les travailleurs indépendants et parmi eux plus encore particulièrement pour les professions libérales. Le sujet de la protection sociale des TNS n’est pas un sujet récent, mais il revient dans l’actualité à chaque nouvelle période de crise économique.

Une protection sociale actuellement trop limitée

À l’exception de la couverture maladie (hors IJ) alignée sur celle des salariés depuis 2001, le tableau 1 montre que les TNS et leur famille sont encore loin de posséder une couverture des grands risques sociaux pris en charge par la communauté malgré des améliorations régulières sur les 50 dernières années. La retraite des TNS est d’un niveau nettement inférieur à celle des salariés, tout comme les indemnités journalières accordées aux commerçants et artisans. La prévoyance reste très limitée et il n’y a aucune prise en charge à la perte d’emploi ou en cas d’activité réduite. Bien souvent, les indépendants doivent s’en remettre à des contrats d’assurance privée qui couvrent la plupart des risques manquants mais qui, par essence, ne s’appuient pas sur la solidarité et sont très couteux et donc souvent inaccessibles aux moins fortunés (retraite complémentaire, assurance contre le risque de chômage, contre le risque d’accident du travail et de maladie professionnelle - contrats dit « Madelin).

Tableau 1 : Couverture sociale des travailleurs indépendants en 2020

Quelles que soient les raisons historiques qui ont amenées à la présente situation, et au-delà de la conjoncture actuelle d’une crise économique soudaine, ces carences de couverture sociale sont un frein important au développement des TPE-PME dont on s’accorde à penser qu’elles sont un moteur important de l’économie.

De fait, après avoir reculé pendant des décennies, le nombre des indépendants croît depuis le milieu des années 2000 (cf. Tableau 2), sous l’effet d’au moins 2 facteurs.

Tableau 2: Chiffres clés (source : secu-independants.fr)


Le premier et plus important en nombre vient de la création du régime d’auto-entrepreneur en 2009. Avec environ 900 000 micro-entrepreneurs actifs comptabilisés en 2016, il a fait s’accroître le contingent des TNS d’environ 50%. Ce nouveau régime a également transformé la structure sociale des indépendants « traditionnels » avec des activités moyennes à faible revenus et en conséquence avec des besoins en couverture sociale plus importants. C’est le cas, par exemple, des travailleurs des plateformes (Uber, Deliveroo, Upwork, Stootie, Helpling…) dont les situations sont souvent précaires.

Le second facteur tient à la croissance régulière depuis le début des années 2000 des activités de services aux entreprises (cf. tableau 3) que l’on retrouve au sein de la population des professions libérales. Ces activités sont assurées par des profils plutôt jeunes, les « Millenials », qui sont attirées par les avantages afférents au statut de travailleur indépendant (liberté de fonctionnement, être son propre patron, alternance des périodes d’activité et d’inactivité, rejet du fonctionnement des grandes entreprises, …).

Tableau 3: Structure de l'emploi non salarié fin 2017 - Zoom sur le secteur des Services aux entreprises

(source : Insee)

Une agence d’aide à la création et à la gestion des TPE-PME entièrement digitalisée et une indemnisation des situations d’inactivité

C’est ce contexte changeant qui doit nous obliger à une évolution significative de la protection sociale des indépendants. Une des solutions possibles consiste à favoriser la création d’une agence de type « Pôle Emploi des Indépendants » dont la mission serait double.

D’une part, mettre en place des services simples d’assistance :


  • À la création de TPE/PME (même si la complexité administrative s’est considérablement améliorée, elle reste encore un repoussoir pour beaucoup d’entrepreneur potentiel) : conseils juridiques, financiers, RH, …

  • Au suivi de la gestion une fois l’activité démarrée : Modèles de suivi financier, assistance au quotidien, …

D’autre part, créer une assurance chômage minimum de base de type « droit à l’erreur » ou amortisseur en cas de crise personnelle ou collective et qui serait financée à la fois par une faible cotisation des indépendants et par l’impôt au motif que c’est l’intérêt de tous d’avoir une économie qui favorise la prise du risque entrepreneurial. Pôle Emploi a déjà largement intégré cette pratique en incitant les chômeurs salariés inscrits à se lancer dans un projet d’entreprise (ARE, nombreuses aides aux TPE/PME, …). En termes de leçons à tirer de la crise du COVID, il est évident qu’il ne sera pas possible de laisser à nouveau une partie importante de la population sans revenu, pas plus qu’il ne serait réaliste de faire porter l’effort financier à l’Etat seul. Notre devoir est de construire des solutions pérennes de prévoyance vis à vis du risque de crise sanitaire en particulier pour les populations les plus exposées et pour la sauvegarde de notre économie. Il ne s’agit surtout pas de créer une administration supplémentaire qui apporterait son lot de lourdeurs bureaucratiques et serait de toute façon très longue à mettre en place mais bien d’imaginer une agence de services entièrement digitalisée immédiatement accessible et où les processus et leurs responsables serait intéressés par la réussite des actions entreprises.

L’idée n’est pas nouvelle. J’ai le souvenir que certains experts de la protection sociale ont déjà proposé la création d'une agence "conseil" à la création et à la gestion des PME au moment des réflexions qui ont finalement débouchées sur la création du RSI. Le principe était (déjà) de rapatrier les activités classiques de gestion des assurances maladie et vieillesse au sein du régime général et de mettre le réseau existant au service des TPE/PME.

Ces bonnes idées n’ont pas vu le jour à l’époque car le mouvement de croissance des TNS n’avait pas été suffisamment détecté et que personne n’avait imaginé une crise sanitaire d’une telle ampleur avec de longues périodes d’inactivité forcée. Maintenant que nous savons, il est de notre devoir de mettre nos savoir-faire reconnus en termes de protection sociale au service du développement pérenne de notre économie.


Vincent Lequenne

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